
Denis a publié dans Les Cahiers
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Le peuple des limbes
Le peuple des limbes est un peuple fait d’ombres mouvantes et d’âmes perdues. C’est un peuple oublié. Il est aux lisières de la vie sociale ordinaire, dans les marges d’un enfer quotidien, mais toujours relégué dans les confins de la vie. La vulgate chrétienne dans sa grande typologie des âmes perdues, ou en voie de perdition, consacre distinctivement le limbus patrum, et le limbus puerorum, c’est-à-dire l’accueil des âmes avant la résurrection du Christ et l’accueil des âmes avant d’avoir reçu le sacrement du baptême. Autrement dit, les limbes des patriarches et les limbes des enfants — pour ceux qui meurent avant la résurrection et à la naissance. Et bien, il manque le limbus pauperum pour recevoir l’âme des pauvres. Faute de pouvoir agir humainement sur la céleste vie éternelle plus prometteuse contentons-nous du tragique présent sur terre. La tragédie de la rue est bien à hauteur d’homme. D’homme assis ou couché, vautré dans ses démons et ses humeurs.