
Manuel a publié dans Les Cahiers
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Des rides qui ne mènent nulle part
Sans but, l’homme hésite, il marche dans la rue. Il attend, il observe, furtif, patient, instinctif. La rue se montre à lui, elle s’exhibe comme une galaxie de moments de désir, d’objets trouvés, de significations, d’images, d’apparitions. Des regards fauves sillonnent alors les rues. Ils lisent les rides de la ville. Ils en dessinent ses formes, ils en dévoilent ses mondes, comme l’expression d’une forme d’énergie communautaire qui n’est pas seulement humaine mais plus archaïque, animale.
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Abécédaire excessif de la ville
Le chemin de l’excès mène au palais de la Sagesse. W. Blake
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La maison factice
Plaques de plâtre, cheminées électriques, jardins de polystyrène, meubles réversibles et
chambres secrètes, dans le reality show le fake est un système constructif. Se mettant
en scène, l’architecture nous livre une curieuse prestation : la maison factice. Comment
repenser dans ce sens l’habitation ? Le spectacle commence : silence, moteur, action !
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Les zones érogènes de la ville
L’espace urbain est le refuge poétique de nos passions. Saturée de corps, la ville concentre des désirs. Le temps des villes se diffuse dans la potentielle multidimensionnalité de chaque espace-récit qui la compose. Les histoires qui font partie de son quotidien respirent par les pores d’une structure libidinale. Ces espaces organisent des normes socialement partagées, permettant à deux ou plusieurs acteurs de participer à un acte complexe de dépendance. Il y a là un processus de répétition intérieure qui déclenche des sentiments. Intime, le milieu de l’être urbain active des zones érogènes de la ville.
Manuel a traduit pour Les Cahiers
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Romance de la jeune fille et du ptérodactyle
En ce temps là, Mary Anning était encore une petite fille, si petite et si fragile que l’on craignait de s’approcher d’elle, comme si un soupir aurait suffit à la démantibuler. Les seules marques visibles de ses excursions journalières vers la digue se trouvaient sur ses genoux qui dépassaient du biais de sa robe, et laissaient paraître les cicatrices qu’une enfance passée entre les vagues, les falaises pointues et les fossiles millénaires avaient tatoués comme une carte. Peu avant de faire sa connaissance, et alors que je l’attendais chez elle, je demandai à sa mère si elle n’était pas tourmentée par l’idée que sa fille pouvait être victime, un jour, d’un accident en bas des rochers, que sais-je, qu’elle se brisât une jambe ou bien qu’elle se fît piéger par les marées, incapable de remonter le mur de pierre sauvage qui, apparemment, avait déjà fait payer cher son imprudence à plus d’un nageur expert. Quand elle entendit cela, la femme me demanda de but en blanc si j’avais des enfants. Je lui répondis que non et elle sourit, satisfaite par la simplicité de son argument. Puis elle me tendit un cahier où sa fille avait dessiné les portraits de ses dernières trouvailles et s’en alla s’asseoir à coté de la fenêtre, sans autre forme de procès.